Le soleil d’hiver de São Caetano
Écrit par LE ROUX   
01-12-2007
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Quel bel été sous ce soleil d’hiver de São Caetano, que de rencontres émouvantes, surprenantes, que de visages rieurs, interrogateurs. Nous avons été dans beaucoup d’endroits, nous avons connu des moments d’émotions, de surprises, d’interrogations mais aussi des sensations troublantes. Rien ne nous a laissé indifférent, chaque jour a été l’occasion d’entrevoir un peu la réalité de nos amis et des gens qui vivent dans ce Nord Est brésilien si attachant.

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Par où commencer ?  . . . et oui ! . . .  bien sûr, . . . la Fondation, un endroit ou l’on peut se poser, calme, beau, serein, vivant. Tété (Maria José) et Dadinho (Francisco) sont là comme tout les jours du matin au soir. Ils semblent être le point d’encrage de ces enfants qui défilent aux grés de l’organisation des cours, et de la disponibilité des instruments et des professeurs. Dans la petite classe les enfants chantent en rythme l’enchaînement des notes, les plus grands trouvent un endroit à l’écart et travaillent leur instrument, concentrés jouant et rejouant un passage difficile.

Un groupe se dirige vers le deuxième bâtiment de la fondation, nous les suivons. Ils s’installent dans la grande salle ou Mozart les attendait. Ils se préparent à jouer ensemble, accordent leurs instruments, échangent quelques blagues (que je ne comprends pas bien sûr) mais leur rire est communicatif et l’ambiance est détendue. Encore quelques réglages, puis chacun porte son attention sur Mozart. La baguette se lève, un silence, une inspiration et la musique s’impose et emplit la salle, avec force, rythmée, puis nuancé, douce, même les silences ont une existence. La banda junior est en train  d’interpréter quelques morceaux du répertoire nordestin, l’intensité monte et gagné par la musique et l’enthousiasme de Mozart nous nous levons et dansons sur les pas d’un forró.

 

Ce petit concert terminé, après avoir exprimé notre reconnaisance pour cette belle prestation et quelques abraços  nous voilà dans les rues de São Caetano. Nous arrivons au marché où les paysans de la zone rurale viennent vendre leur production. Devant nous une profusion de marchandises, un régal pour les sens, que de couleurs, d’odeurs, aucun emballage sophistiqué ne peut nous tromper sur la marchandise.  Haricots, manioc, maïs, ognons,  bananes, ananas, acérolas, cajou, pommes, machines à broyer la canne à sucre, vendeurs de bière, de suco jus de fraises, d’ananas, pastèques, fruit de la passion, melon, mangue, orange, graviola, viande pendue aux crochets, poules, chèvres, cochons bon j’arrête là mais quel plaisir pour nous toute cette diversité. La liste des courses serait longue si l’on voulait ramener tout ce qu’on peut voir sur ces étalages.  Que de vie, de bruit, de musiques aussi, CD et DVD soigneusement copiés sont en vente à un prix abordable pour le niveau de vie d’ici.

 

Tout cela nous a mis en appétit, nous rentrons dans un petit restaurant ouvert sur la rue, quelques plats bien choisis et un suco  graviola feront un excellent déjeuner. La télé marche à plein tube (cathodique), la conversation est animé et dans toutes les directions, à table, avec les voisins de table, avec les gens de la rue, l’ambiance est bon enfants et très agréable. Le déjeuner terminé un jeune garçon nous demande les restes de notre repas, un peu surpris nous lui passons nos plats qu’il vide dans un sac plastique. Nous échangeons un sourire et il repart partager cette nourriture avec sa famille, du moins c’est ce qu’on imagine.

 

 

 

Um cafezinho sem açucar e a conta !  por favor  et nous redescendons vers la rivière, passons le pont, direction la colline derrière la fondation. Là nous trouvons un quartier très pauvre, beaucoup d’enfants se sont regroupés devant la petite maison de Choba. Il nous a invité à assister à un petit carnaval improvisé. Choba est une des figuras de São Caetano, il semble être l’homme à tout faire, nous l’avons vu travailler dans diverses situations, même accroché au cloché de l’église un pinceau à la main. Les enfants entrent et sortent de cette petite maison chargés de costumes et d’instruments de percussion. Tous ces objets sont fabriqués par les enfants avec du matériel de récupération, le résultat est super. Un cercle de spectateurs se forme, Choba attrape une caisse claire, lance une chamada, les enfants percussionnistes répondent à l’appel et le rythme se met en place. Deux bêtes poilues apparaissent et s’affrontent dans un combat stylisé, des enfants habillés de couleurs vives dansent autour d’elles, un gorille veut attraper quelques petits, les enfants rient aux éclats et jouent à avoir peur, puis arrive le Bumba Meu Boi, sorte de représentation dansée qui célèbre la mort et la résurrection d’un bœuf.  Nous sommes gagnés par ce spectacle spontané, par la  joie, l’insouciance, l’énergie, de ces petits artistes. Merci Choba pour ce bon moment passé avec les enfants. 

 

 Après une petite sieste bien méritée, nous reprenons le fil de notre journée, nous redescendons vers la rivière et nous la longeons sur un chemin défoncé et bordé de petites maisons disparates. Les chiens s’écartent méfiants, les enfants jouent avec quelques jouets improvisés, boites, bâtons, bouteilles, tout est bon pour réinventer leur vie et un sourire suffit pour rentrer dans leur jeux. Nous sommes invités par Anna Claudia et sa famille. A notre arrivée tout le monde sort sur le pas de la porte pour nous accueillir, quelques secondes d’observation et l’envie  et le plaisir de se découvrir font le reste. On s’embrasse et on nous invite à rentrer et à nous assoire dans le petit canapé d’une première pièce que l’on retrouve dans beaucoup de maisons. Une petite table et un petit meuble avec la télé complète cet endroit. Tout le monde est là autour de nous. Curieux de ce que nous sommes, les questions ne tardent pas, « vous avez des enfants ?   Comment est votre maison ?    Tu crois en dieu ?    C’est comment la France ?   Il fait froid ?» Nous nous rendons vite compte qu’ils n’ont aucune idée de notre mode de vie, cela stimule leur imagination et occupe une bonne partie de notre conversation. Nous nous montrons également très curieux de leur quotidien, ils vivent de petits boulos, transport de marchandise avec brouette au marché, ménages, vente de torchons qu’ils brodent, achat et revente de vêtements, travail sur des chantiers, aux champs, mototaxi. Tous semblent très unis, chacun ayant également un caractère bien affirmé. Nous sommes maintenant dans la cuisine autour d’une petite table couverte de plats. Quand je dis nous, en faite il y a 4 chaises et peu d’espace autour de cette table. Tout cela n’a guère d’importance, chacun prend une assiette se sert à manger et se trouve une place, adossé au mur, sur le coin de l’évier, sur les genoux. L’ambiance est chaleureuse et on se sent adopté par cette famille. Le repas est délicieux, on trouve là les constantes de la cuisine brésilienne, haricots secs, riz, farine de manioc, viandes séchées, poulets, fromages, salades fruits, le tout cuisiné en ragoûts, salades,...  Nous nous sentons bien dans cette petite maison aux murs de ciment blanchis, sans plafond, les tuiles apparentes, des rideaux en guise de portes, quelques photos de saints et d’enfants sur les murs. Pas d’eau au robinet pour cette maison, seulement une réserve dans la cour, avec un approvisionnement aléatoire. Nous prolongeons tard dans la soirée notre conversation, nos rires, nos étonnements. Puis, sans l’envie de se quitter, nous repassons le pas de la porte, embrassades empruntent déjà de saudade, ce mot si souvent employé par nos amis que l’on ne sait pas vraiment traduire, un mélange de nostalgie, de vague à l’âme.

 

Sur le chemin du retour, la nuit est calme, une légère bruine sur le visage nous maintient encore éveillé. Sur ce chemin sombre nous n’éprouvons aucun sentiment d’insécurité, seul quelques trous ou branches semblent vouloir nous tendre un piège. Nous quittons le bord de la rivière et retrouvons les rues pavées  et éclairées de la ville. La vie nocturne de São Caetano est plutôt animée, les télés présentes un peu partout diffusent les novelas,  les radios des voitures, portes grandes ouvertes déversent sur le pavé des forros électriques , des petites lanchonetes encore ouvertes proposent leurs dernières canettes. Les jeunes et moins jeunes se réunissent, on boit des coups, on discute, on chante. Certains ont déjà oublié leur réalité, ils sont dans un monde pas très cohérent, mais ils s’y sentent bien, pour un temps.

 

Cette journée riche d’évènement se termine, nous regagnons la maison d’Yvan et Zézé, il est tard et tout le monde dort. Dans cette petite chambre bleue de petit garçon, la tête pleine de mots portugais, nous nous endormons.

Ah ! Encore une chose, j’ai découvert qu’on pouvait rêver en portugais !

et quelqu’un m’a dit “ sabia que o sabia sabia assobiar ?”
Dernière mise à jour : ( 08-12-2007 )